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  • Hugo Protat

"C'est plus de la communication que du journalisme ce qu'on fait".

Interview de Mustapha Taoussi, rédacteur en chef du magazine Tennis Info, qui a vu son métier évolué depuis ses débuts à la FFT il y a plus de 20 ans.

Crédit photo : Hugo Protat

Pouvez-vous retracer votre parcours ?

Mustapha Taoussi : ”J’ai fait un DUT de Communication et Information, avec un peu de journalisme, puis j’ai intégré une école de journalisme à Paris. J'y suis resté 2 ans en fait. Je ne suis pas allé jusqu'au bout parce que tu sais, après tu te spécialises dans la vidéo, la télé. Ces 2 années m’ont donné un diplôme et les bases. À la sortie, j'ai bossé à Dijon dans un journal qui s'appelle le Bien Public. Ensuite, j’ai travaillé à l'Équipe et au service culture du Parisien.”


Quel était l'intérêt pour un jeune journaliste comme toi de travailler à la Fédération Française de Tennis ?

MT : “C'était très dur de trouver des stages dans les années 90. La presse était déjà mal en point. À l'époque, j'avais des copains qui avaient décroché des postes au Figaro. Aujourd'hui, ils me demandent du boulot, parce qu’il n’y a plus de poste dans le journalisme.


Quand tu rentres dans une fédération qui est riche, qui n’a pas le souci du résultat, c’est un bon plan et puis il y a aussi Roland-Garros. À mes débuts, je faisais les dossiers de presse pour les championnats de France, puis, je suis resté. Tennis Info, le magazine de la Fédération, n’était pas aussi bien développé que maintenant.


Ça, c’est pour le côté économique, mais humainement ?

MT : “ Au départ, je ne connaissais pas tout l’écosystème du sport et surtout du bénévolat parce que mon père n’a jamais fait de sport. J’ai découvert toutes ces choses quand je suis arrivé à la Fédération de tennis.


Mon rédacteur en chef de l'époque m'avait envoyé sur le terrain pour couvrir des tournois. Il me disait ne t'inquiète pas, prends le train, quelqu’un viendra te chercher et puis, effectivement il y avait un chauffeur qui m'attendait avec une pancarte à mon nom. En fait, être bénévole, c’est ça, c'est être le chauffeur, la personne qui reçoit en arrivant, celui qui te prépare un sandwich,ou te ramène le soir en voiture.


L'organisation d’un tournoi est indépendante, elle est juste composée des bénévoles, c'est eux qui tiennent le tournoi et moi, ça m'avait impressionné. Je n'arrivais pas à concevoir que des gens donnent de leur temps pour faire ça. Après, j'ai compris aussi que le bénévole y trouve aussi son compte parce que ça donne un sens à sa vie.


Quand tu es à la retraite ou sans activité, tu es content de t’occuper des enfants, de les emmener avec ta voiture pour les déplacements ou d'être derrière le comptoir dans les clubs aussi parce que les gens te reconnaissent toi aussi. Après, quand tu discutes avec toutes ces personnes, tu penses que tout travail mérite salaire et là, tu vois que non. Certaines personnes sont vraiment formidables et donnent beaucoup plus que les autres. Ce sont de vraies journées de travail, tu te demandes où est-ce qu'ils trouvent l'énergie pour faire ça.”


Aujourd’hui faire une interview de Rafael Nadal où Jo-Wilfried Tsonga ne m'intéresse pas du tout. En revanche, parler d'une personne qui a 48 ans de vie de bénévole dans un club ça m'intéresse, car c'est des rapports humains. Quand tu aimes le sport, les gens, les clubs et les bénévoles, c’est ça finalement qui te fait courir.”


Est-ce que le but de Tennis Info n’est pas de raconter “la petite histoire dans la grande” ?

MT : “Je dis souvent que c'est un peu le trésor de Jean-Pierre Pernault, son JT cartonnait, car on pouvait avoir la vision des habitants d’un petit village sur le Président de la république. Je trouve ça bien, et si j’avais les moyens pour Tennis Info c’est ce que je ferai. J'irai le plus loin possible dans les territoires reculés pour parler de ces gens-là. C’est ça le plus important pour moi.”


Est-ce que l’on peut parler de journalisme lorsque que l’on travaille à la Fédération Française de Tennis ?

MT : Nous ne faisons pas du vrai journalisme, mais plutôt de la communication. Nous ne sommes pas soumis à cette objectivité que peut avoir un vrai média comme Le Monde ou Libération. On n’attend pas de nous de sortir des vérités, c'est du sport. Nous nous attachons plutôt à montrer les choses positives qui impactent et font évoluer la pratique.


Je ne te cache pas aussi qu'en écrivant des articles sur les bénévoles, j’ai l'impression de ne rien vendre, je suis un peu anticapitaliste. Ce qui m'intéresse le plus c’est de raconter ces histoires-là quelle que soit la mouvance politique de la FFT. C'est juste des hommes et des femmes qui ont des projets sportifs et qui vont les mettre en place et réussissent le plus souvent.”


Quelle a été la place de la neutralité journalistique dans ton travail de rédacteur en chef ?

MT :On applique le projet pour lequel le président de la fédération a été élu, nous servons sa politique. Par exemple, nous avons mis l’accent sur le tennis santé, le succès des matchs libres, où garçons et filles peuvent jouer les uns contre les autres. Cela a aussi été le cas lors de la numérisation de la FFT. Nous avons aussi largement promu la formation des jeunes joueurs de tennis avec les classes à horaires aménagées mises en place par la Direction Technique Nationale. Finalement, la difficulté ou plutôt le danger, c'est de croire que nous sommes dans une fédération comme si nous étions dans un journal. Non, c’est de la communication d'entreprise, c’est dur. Tu prends, Renault ou Peugeot, ils ne vont pas descendre leur marque.”


Beaucoup de pigiste collaborent avec la FFT ? Comment ça se passe au début ? Qu’est-ce que vous leur dites pour qu’ils soient au diapason ?

MT : J'ai un exemple précis pour répondre à cette question. Il y a quelques jours, un nouveau pigiste est arrivé. La première chose à laquelle il a été confrontée, c’est bien à ce sujet de neutralité puisque jusqu'ici il avait travaillé dans des “vraies rédactions”. Il m’avait proposé un reportage dans un club sarthois, car deux médailles d’honneur allaient être remises : une au président du club et une à un professeur de tennis. Il me vend son sujet et écrit le papier. Après une première relecture, j'ai dû beaucoup raccourcir le sujet, car je me suis souvenu que le président du club en question était dans la liste de soutien de Bernard Giudicelli, le président sortant de la FFT. Il faut être très attentif à ce type de subtilité politique pour ne vexer personne ! "


Comment avez-vous fait pour “rattraper le coup” auprès du club ?

MT : Dans le numéro qui a suivi les élections, nous avons fait un focus de plusieurs pages sur ce club. J’étais quand même embêté, car quand tu interroges le président et qu’il te retrace les grands moments de son club, qu’il te parle de l’inauguration des nouveaux courts avec l’ancien président qui s’était rendu sur place, c’est délicat. Si ce n’était que moi, je mettrais la photo de ce moment avec l’ancien président de la FFT, mais la nouvelle équipe ne laissera jamais publier cette photo, car ils veulent que l’on passe a autre chose. C’est parfois contraignant, car tu ne peux pas réécrire l’histoire, on ne peut pas faire comme si l’ancien président n’a jamais existé. Je ne trouve pas ça bien. Mais cela ne me surprend pas, car la campagne était hyper haineuse entre les deux candidats qui se détestent, ce n’était pas une campagne saine.”


Justement, il y a donc un nouveau président qui a été élu à la FFT, au niveau éditorial comment ces élections se sont déroulées pour vous ?

MT : “Nous faisons la promotion de notre sport, pendant pratiquement 3 ans et demi en fait nous servons le projet pour lequel le candidat a été élu, le candidat sortant Bernard Giudicelli. On sert ce projet, on essaie de le promouvoir, de le diffuser dans les clubs, les comités et eux, doivent s'attacher évidemment à l'appliquer. Puis généralement 6 mois ou 7 mois avant la prochaine élection, on arrête tout. Le président n’intervient plus dans Tennis Info. Nous ne faisons plus la promotion des actions, c'est une façon de se protéger. Il est vrai que le candidat en place est avantagé, car ça lui fait un support, ça peut être un peu de la “propagande”. Dans le cas de Giudicelli, ça ne l’a pas aidé puisqu’il n’a pas été réélu. On s'auto-discipline pour ne pas faire le jeu des deux camps.”


On applique le projet pour lequel le président a été élu, nous servons sa politique. Par exemple, nous avons mis l’accent sur le tennis santé, le succès des matchs libres, où garçons et filles peuvent jouer les uns contre les autres. Cela a aussi été le cas lors de la numérisation de la FFT. Nous avions aussi largement la formation des jeunes joueurs de tennis avec les classes à horaires aménagée mises en place par la Direction Technique Nationale. Finalement, la difficulté ou plutôt le danger, c'est de croire que nous sommes dans une fédération comme si nous étions dans un journal. Non, c’est de la communication d'entreprise, c’est dur. Tu prends, Renault ou Peugeot, ils ne vont pas descendre leur marque."



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